samedi 10 février 2007

God save la France: rencontre avec Stephen Clarke


La meilleure illustration de la complexité de l'esprit français, de ses profonds paradoxes, est peut-être le fabuleux accueil qu'a reçu l'auteur de God save la France, à la parution dans l'Hexagone de son féroce guide de survie destiné à ses compatriotes en exil.

Son truculent ouvrage, d'abord distribué sur le site Internet de l'auteur avant de devenir un best-seller en Grande-Bretagne, décrit avec une férocité trempée d'humour les hilarantes tribulations d'un Anglais à Paris.

La meilleure façon de ne pas déprimer
« Les meilleures critiques que j'aie eues sont en France », explique l'auteur en entrevue au Guide culturel, « un magazine féminin français a même écrit que mon ouvrage était la meilleure façon de ne pas déprimer à la rentrée. C'est le truc avec les Français : ils acceptent la critique si c'est juste, ils sont impitoyables avec eux-mêmes, ont cette capacité de rire d'eux-mêmes. »

Survivre sur les trottoirs parisiens
Pourtant, God save la France décrit le pays sans complaisance, par les yeux d'un Britannique qui débarque sur l'étrange planète France et cherche à y survivre, avec son français balbutiant et ses illusions sur les femmes et le travail. Stephen Clarke explique que, malgré les apparences, son livre est plein de tendresse pour la France, un pays où il a tout de même choisi de demeurer, après tout. Pourtant, confirme-t-il, même si son livre est une sorte de caricature, il est vrai que « la tension est omniprésente dans ce pays, mais c'est vrai aussi d'autres pays. Je me suis moqué des pratiques françaises parce qu'elle étaient différentes des miennes, mais dans le deuxième tome (déjà paru en Europe), Paul West va en Angleterre et se moque des Anglais. » Juste retour des choses.

Le client, cet emmerdeur, ce roi décapité
Il faut dire que son héros en bave à Paris, surtout au début, zigzaguant maladroitement entre les crottes de chien et les salves des citoyens de mauvaise humeur. Stephen Clarke explore ainsi la curieuse façon qu'ont les Français de voir la notion de service à la clientèle : « cette notion, nous les anglophones, et je pense que c'est pareil ici au Québec, on l'a intégrée. Le client est roi, mais qu'ont fait les Français avec le roi? Ils l'ont décapité. En France, souvent, le client est vu comme un emmerdeur. Qu'est-ce qu'il veut celui-là? Je lis le journal !, se dit le serveur. »

Identité française
Malgré cela, la France n'est pas le monstre d'inefficacité que veulent bien parfois décrire les observateurs étrangers. Pourquoi? Parce que, dit Stephen Clarke, « même si un Français a une semaine de travail de 35 heures, que fait-il de ses loisirs? Il prend sa voiture française, la remplit d'essence française, part dans sa maison de campagne française ou dans un hôtel français et mange français. Vous donnez les 35 heures à un Anglais, il va prendre le premier avion pour la Bulgarie ! »

La joie sous la crotte
Cette forte identité nationale des Français a donc ses travers, mais aussi son pouvoir d'attraction, y compris pour Paul West, qui finira par apprendre les codes de cette société, pour y trouver du plaisir « comme on apprend un jeu vidéo un peu difficile ». Il y a donc de la joie, parfois, sous la crotte des trottoirs parisiens, pour qui sait naviguer. Et c'est sans compter les femmes... n'est-ce pas, Paul ?

God save la France
Stephen Clarke
Traduction: Léon Mercadet
Nil éditions

Critique publiée par Florence Meney ici

1 commentaire:

Claudio a dit…

"ils acceptent la critique si c'est juste, ils sont impitoyables avec eux-mêmes, ont cette capacité de rire d'eux-mêmes"
Je pense qu'ils serait plus juste de dire qu'ils acceptent la critique de leurs compatriotes, mais, eux-mêmes, en tant qu'individu se veulent toujours des exceptions confirmant la règle.