jeudi 11 mars 2010

Legrand et le Loup



Agréable surprise que cette petite rencontre cinématographique... Lors de sa sortie en 2008 c'était un des films que j'avais envie de voir, mais le temps, ce grand maitre de ma vie, en avait décidé autrement... C'est donc aujourd'hui que j'ai enfin pu le faire...
Certes, ce n'est pas un grand classique ni un film qui restera dans mes annales, mais j'avoue avoir été plus que fortement surprise en plusieurs points par ce 2ème passage derrière la caméra de Gilles Legrand. Son premier essai, le très poétique Malabar Princess m'avait déjà fait pressentir une certaine aisance dans la mise en scène... La Jeune Fille et les Lopus confirme ce sentiment... C'est pourtant bien rare que je trouve de la poésie dans le cinéma français... Il faut savoir que Legrand était d'abord producteur et ce n'est que depuis Malabar Princess qu'il est réalisateur... En général c'est l'inverse... ceci explique peut-être cela...

Le thème n'a rien de transcendant, une fois encore, c'est bien le traitement propre à Legrand qui en fait un film intéressant... Une jeune femme qui se bat pour sauver les loups de l'extinction dans la France des années 20, pas de quoi vermifuger un abri-bus hein... Les superbes paysages régulièrement cités par la critique ne m'ont pas non plus impressionnée plus que ça car de ce coté, les asiatiques, les coréens plus particulièrement, sont bien mais alors bien plus doués que nous...
Non, le talent de Legrand c'est une caméra très présente, des acteurs bluffant de réalisme et bien dans leur personnage, une histoire qui ne tombe jamais ni dans le navrant, ni dans la happy end, ni dans les clichés sauf s'il sont voulus, comme le loup mangeur d'hommes... Sa narration est simple mais efficace, fluide, agréable, avec quelques petits passages de grande émotion bien rendus, eh oui, j'aime voir, sentir et ressentir les émotions, surtout dans un film... un conte raconté en images à des spéctateurs qui s'y laissent prendre facilement... Du moins est-ce mon cas...
AlleZ quelques images ? Ouais !!







dimanche 7 mars 2010

Le Matricule Des Anges




L'une des revues littéraires la plus connue, tout du moins celle que je consulte plus couramment en ligne est Le Matricule Des Anges (LMDA). Titre un peu étrange qui n'est pas une déclaration d'élitisme, mais répond plutôt à l'idéal selon lequel la littérature serait « Pureté », par opposition au mercantilisme de la société. Telle est, en tout cas, la conception défendue par le magazine. Créé en 1992 par une équipe de jeunes journalistes animée par Thierry Guichard sortait en novembre, autour d'un dossier sur « l'année Goldoni », en commémoration du bicentenaire de la mort du dramaturge italien. Entièrement réalisé par des bénévoles, il ne contient aucune publicité. Il fonctionne en grande partie grâce à la fidélité de ses abonnés. Il est constitué principalement d'entretiens avec des écrivains et des éditeurs, d'articles de fond, de critiques de romans, d'essais, de pièces de théâtre et de recueils de poésie. Les créateurs considèrent que la littérature est nécessaire. Qu’elle n’est pas seulement un loisir mais un apprentissage permanent de la vie, ou de ce que la vie pourrait être. Qu’elle est le lieu où s’exprime de l’indicible en même temps que de la pensée, des émotions, des passions. Ni accessoire, ni frivole, la littérature s'affiche clairement ici comme interrogation sur le monde ainsi que sur l'homme et revendique aussi toute la dimension potentielle d'un contre-pouvoir, celui d'affûter les esprits "face aux cinq cents mots de la communication de masse, face aux slogans, aux clichés, aux campagnes de marketing, au temps affolé qui nous fera fêter deux ans de suite le nouveau millénaire", en dressant "ses mots, ses silences, ses espaces, son temps retrouvé, ses destins." (édito du N° 29). Cette revue indépendante, tout en suivant l'actualité, ne tombe jamais pour autant dans le consensus mou. N'attendez pas d'articles complaisants et bâclés sur le dernier roman à la mode. Même le traitement de certains auteurs médiatisés à outrance diffère : Christine Angot par exemple, en qui –prenant le contre-pied de l'image qu'elle véhicule – la rédaction nous invite à voir l'écrivain derrière la bête médiatique ( N° 21). Mais Le matricule des anges donne aussi et surtout la parole à des auteurs moins tapageusement connus, français et étrangers, fait connaître des premiers romans, de petites maisons d'édition, valorise des métiers du livre qui s'oublient, sort de l'ombre des écrivains injustement méconnus. Bref, une revue exigeante et foisonnante, qui ouvre l'horizon de la création littéraire contemporaine. Dans son numéro de février, LMDA propose — outre un excellent dossier sur l’écrivain Bernard Noël et une invitation à la découverte de la petite maison d’édition béarnaise Atelier In8, qui joue les agitatrices de talents au service de la nouvelle — plusieurs articles en lien avec la vie des livres en Poitou-Charentes. On trouvera aussi plusieurs articles signés Thierry Guinhut, écrivain et critique littéraire originaire de Niort, une note sur Purulence, d’Amoreena Wincler, la présentation de la très belle anthologie que Thierry Groensteen consacre au maestro italien de la littérature enfantine Antonio Rubino, et enfin, l’article que Richard Blin consacre au livre de Jean Rodier En remontant les ruisseaux sur l’Aubrac et la Margeride, publié en janvier.

samedi 6 mars 2010

Le roman d'Oggi

Comment synthétiser la profusion ? Comment faire le bilan du roman d’aujourd’hui (question savamment posé par la prof de littérature) sans tomber dans le piège bien trop tentant de la comparaison au classique ?

L’imagination est la faculté dominante de notre époque littéraire. Mais ce qui nous manque à nos auteurs surtout, a dit Alain Robbe-Grillet, c’est l’attention. Nous sommes irréfléchis et distraits; nous n’avons de la suite que par hasard, et même chez les intelligences qui passent pour les plus sérieuses de notre époque, on trouve, pour peu qu’on les scrute dans leurs replis sans se laisser prendre au dogmatisme de la parole, un fonds étrange de légèreté.

Les romanciers sont en ligne et à l’œuvre; ils enveloppent la France d’un vaste réseau de romans, et la foule crie bravo ! Chaque matin, plus de cent mille feuilles volantes répandent d’un bout à l’autre de la France des lambeaux de contes et de fictions, et il y a un nombre immense de gens qui attendent cela comme une manne ! C’est là une situation nouvelle et pleine de dangers. Trop de roman tue le roman !

Ainsi le roman est à la mode, et depuis qu’il a vendu sa liberté pour s’attacher à la glèbe, c’est-à-dire au journal quotidien, il a le haut du pavé. L’optimisme le plus exagéré serait contraint d’avouer que tout le monde y a perdu, en présence de cette menue monnaie qui circule sans effigie au bas des journaux, et surtout en présence de ces beaux chefs-d’œuvre qui ont tant soulevé la curiosité autour d’eux, et qu’une renommée aveugle et criarde a popularisés au loin.

Sans doute, le roman, comme la poésie, pouvait se renouveler et se rajeunir. Son originalité eût consisté à être passionné comme Saint-Preux, poétique comme René, vrai comme Manon, sans cesser d’être de son temps. Pendant un temps ils se sont répété eux-mêmes; maintenant, ils se copient les uns les autres.

Autre malheur le style a eu le sort de l’invention; il s’est fatigué, a perdu son éclat naturel, sa force primitive, et, pour dissimuler ses pertes, il s’est donné une sorte de fièvre continuelle et des mouvements convulsifs.

Que va-t-il donc arriver? À mesure que le goût des romans se propage à grand renfort de spécialistes de la rhétorique, ces génies la pluie et du beau temps littéraire, perdus qu’ils sont dans cet eternel printemps qu’ils ont instauré, le talent des romanciers, lui, baisse devant des consommateurs de plus en plus avides et insatiables, et avouons le, un peu perdus. Le nombre et l’appétit des consommateurs vont croissant pendant que la récolte, pour pléthorique qu’elle soit, diminue. Il n’y a pas très loin de là à une disette. Aurions-nous déjà eu nos sept années d’abondance ?

Il faudrait songer qu’un jour viendra, peut-être pas si éloigné, où ce même public en aura assez de ces interminables récits qui se ressemblent tous, au fond, d’une façon désespérante. La satiété lui donnera du goût, et il reviendra au simple et au naturel, entendons par là, une production pour la demande ET une pour la devancer. Car écrire un roman qui ne correspond à aucun critère du lecteur n’est pas forcément un roman inutile, loin s’en faut ! Encore faut-il ne pas tomber ni dans le narcissisme intellectuel, au risque de se voir délaissé par des interlocuteurs dépassés, ni dans une profusion trop envahissante et étouffante. Le but du roman n’est-il pas d’être lu, puis compris et assimilé ? Sans aller jusqu’à l’appréciation qui reste du domaine de l’intime et du personnel, le roman doit rester accessible, sinon à quoi bon ?


mardi 2 mars 2010

Pauvre Karski d'Haenel



Dès les premières pages Haenel tente de donner un ton alors tâchons d’être à la hauteur de ses prétentions. Un exercice de style en trois parties plus ou moins subjectives, deux reprises pour les cent premières pages environ et l’imagination de l’auteur durant la troisième. Une sorte de guerre pour la garde de « bébé », pour arriver à une fin qui rejoint le début… La boucle est bouclée… Beaucoup De Bruit Pour Rien…

Dans une première partie qui se veut une critique du film Shoah de Claude Lanzmann, il reprend le malaise de Karski pour le faire vivre au lecteur. Sa tentative reste vaine, pire, elle rend la lecture laborieuse, voire soporifique, ce qui n’est pas du meilleur effet lorsque l’on traite d’un sujet si difficile à aborder… Haenel se hasarde à analyser le besoin de silence qu’éprouve Karski face à son vécu, et nous livre cette pseudo interprétation si insuffisante et inefficace. Le fait est que les résistants qui ont survécu sont des résilients en puissance et raconter son histoire fait partie (selon la théorie de Boris Cyrulnik) du processus. Ainsi Haenel donne l’impression de vouloir endosser la soutane du mentor catalyseur de Cyrulnik… Mais paradoxalement, le silence d’or n’a jamais pris autant de signification que durant une guerre où se taire c’est vivre, où parler c’est mourir et mettre en danger son entourage…

Haenel parle d’émotion mais n’en fait ressortir aucune, même quand il reprend des phrases cruellement lourdes de douleur… Il dénonce par la voix de Karski les décisions et tactiques militaires ou politiques qui ont été prises durant cette période comme dérisoires, mal appropriées, voire mauvaises… comme si les choses étaient si simples…

J’ai eu beau chercher un sens caché dans ce livre, dans cette rédaction particulièrement structurée, dans ces phrases et ces morceaux choisis, mais rien n’y fait, je n’ai rien trouvé…

Peut-être n’ai-je pas été capable de comprendre, me dirons certains… Qu’à cela ne tienne, expliquez-moi, je suis preneuse !! Je me suis demandée quel est le véritable message d’Haenel ? Il y aurait-il un rapport avec la politique actuelle ? Ou de façon plus répugnante, n'y aurait-il qu'un seul et unique rapport avec les sorties cinéma prévues cette année, à commencer par le très médiatisé "Rafle" prévu pour fin Mars 2010 ? En attendant je n’ai trouvé qu’une minable tentative d’analyse comportementale ET cinématographique du Shoah Lanzmann.

Ensuite, une deuxième partie beaucoup plus « facile » à lire malgré le récit relaté, surement du fait qu’Haenel n’intervient plus directement puisqu’il reprend un récit qu’il raconte sans interprétation… Il se répète beaucoup, des passages entiers sont repris dans les trois parties, comme s’il ne souvenait pas de l’avoir déjà dit. Certes, la répétition est une figure de style, encore faut-il savoir l’utiliser et au bon moment, à bon escient… On apprend, tout du moins subodore fortement, la signification des images de Lanzmann que Haenel critique dans sa première partie (statue de la liberté = arrivée de Karski aux USA en 1943). Il est affreux de constater, que c’est le passage dont il y a le moins à dire, alors que c’est un de ceux qui a le plus d’intérêt…

La troisième partie quand à elle est une fiction pure et très tendancieuse, car il n’est spécifié à aucun moment qu’Haenel prend la parole. Nous sommes dans un mode de récit d’après les souvenirs de Karski et on enchaine avec le point de vue d’Haenel sans savoir que l’auteur des mots n’est plus le même… Ainsi, Haenel fait parler un mort, lui invente de nouvelles pensées, de nouvelles directions… Mais là où le bât blesse, c’est qu’il lui fait dire des aberrations. On trouve alors d’étranges comparaisons telle que Roosevelt et les alliés qui n’ont pas voulu entendre, « comme s’ils avaient de la cire dans les oreilles, comme les compagnons d’Ulysse pour ne pas entendre le chant des sirènes… ». Le message si cher à Karski devient donc un chant de sirènes sans même s’en rendre compte… sic !! Le début des incessantes nuits blanches de Karski se retrouve dans une métaphore à l’araignée qui monte au plafond par le biais de la lézarde dans le mur… re sic !!Jan Karski (si c’est bien lui) dit que ce sont essentiellement des femmes qui viennent l’écouter quand il fait ses conférences et débats. Qu’il sent chez elle le désire de le sauver lui, de le consoler, de soigner sa douleur… Mais que fait ce nouveau livre de Yannick Haenel si ce n’est la même chose ? Après avoir critiqué l’œuvre de Lanzmann qu’il considère trop censurée, Haenel fait ce qu’il condamne, pire, il dénature les propos d’une personne qui n’est même plus en mesure d’y réagir…

Il faut comparer ce qui est comparable ! Ainsi, ce livre aurait pu mériter son prix, s’il avait su respecter certaines valeurs qui me paraissent fondamentales. Tout d’abord, ne pas chercher à critiquer Lanzmann, car si les deux hommes traitent d’un même sujet, l’angle par lequel ils l’abordent n’est absolument pas le même… Ensuite, ne pas usurper l’identité de son personnage, du moins pas de cette façon. Enfin, le but d’Haenel semble être un éloge à Karski, alors, peut-être aurait-il pu mettre un peu plus de courage dans l’encre de cet écrit et parler plus de son sentiment vis-à-vis d’une personne qu’il reconnait comme le héros qu’il est… Si Lanzmann a voulu montrer en 1985 les horreur de la guerre, Karski lui voulait en 1944, hurler le sort des polonais à la face du monde… Haenel, en 2009, fait Beaucoup De Bruit Pour Rien…