jeudi 5 mars 2009

Le cinéma est mort !!



Découvrez Wim Mertens!



ça c'est l'affirmation du cinéaste décalé Peter Greenaway... De passage à Nice il y a quelques semaines, j'ai eu le plaisir d'assister à une des deux conférences qu'il donnait... Cet adepte de la pataphysique (la science des solutions imaginaires)* et de l'Oulipo (j'en parlerai dans un autre post peut-être) fait directement référence à Perec et Calvino pour nous proposer un état des lieux de l'institution cinématographique mondiale... constat pas très rassurant mais pas inintéressant... intéressant mais quelque peu inquiétant...
Tout d'abord, il préconise de se liberer des quatre tyranies du cinéma, à savoir le son, le texte, le cadre (cadrage) et les acteurs... ouuuais...
Ensuite ne pas avoir peur de la nouveauté, en sachant que plus de 20% de nouveauté dans une oeuvre c'est 80% de son public que l'on perd...
Entre références à Borghese (Scipion), Cage le fameux musicien qui joue du silence, Malarmé, entre autres, il présente son projet pharaonique, en trois parties, "The Tulse Luper Suitcases" 1-2 et 3 qui sont tous regroupés dans "A Life in Suitcases" (une vie dans des valises). En fait, la vie de Tulse Luper, enfermée dans 92 valises fusionne avec les 60 ans d'histoire contemporaine qu'il a traversé, de la découverte de l'uranium (nombre atomique 92, d'où le nombre de valises) à la fin de la guerre froide. Nous apprenons ainsi que dans la 12 il y a des crapeaux, dans la 24 des cerises, dans la 46 des lingots d'or...
Autant dire que pour pouvoir le suivre dans cette expédition, il faut une sacré dose d'ouverture d'esprit, de volonté et... peut-être bien même un peu de folie...
L'auteur dit : "THE TULSE LUPER SUITCASES est une œuvre ambitieuse. En réponse à l’excitante palette des nouveaux langages visuels et à tout ce qu’ils représentent, c’est un projet qui utilisera cinq médias : le cinéma, la télévision, le DVD, l’Internet et une étagère pleine de livres. C’est une combinaison de l’ancien et du nouveau, du traditionnel et du moderne."
Je vous laisse apprecier un tout petit aperçu de ce programme, il faut savoir que chaque film dans sa version originale dure plus de 3 heures, les versions cinéma 2h et quelque...
Tulse Luper


Mais que l'on ne s'y trompe pas, il y a bel et bien un synopsis dans ce projet...
Tulse Luper, écrivain et entrepreneur, est aussi un criminel récidiviste. De 1928 à 1989, il a passé des années derrière les barreaux, dans les prisons du monde entier. A chaque fois, il a laissé sa trace sur les murs des cellules, y écrivant des pensées, des souvenirs, des impressions. Au fil des années, Luper est devenu un mythe. Une exposition lui est consacrée au Brooklyn Museum de New-York. Les visiteurs peuvent y découvrir le contenu de 92 mystérieuses valises lui ayant appartenu et retraçant sa vie trépidante.

Durant cette conférence, Peter Greenaway a beaucoup insisté sur l'information (à haut débit) qu'il souhaite faire passer ainsi que la suppression des dialogues et des textes... cependant, des textes il y en a un sacré paquet dans cette oeuvre... il a selon moi, bien réussi le pari de l'information, dans la mesure ou il en arrive de partout... sur un même écran vous avec des images, d'hier, d'aujourd'hui, voire de demain... d'ici et d'ailleurs... des chiffres, quelques sons, voire même quelques dialogues mais très peu, parfois superposés, puis des lignes incrustées dans le tout... Sans oublier bien sur la musique, que Peter omet de citer et qui pourtant est une des figures de proue de toute son œuvre...
Pour ceux qui ne connaissent pas, en 1987, le fameux "The Belly Of The Architect" (le ventre de l'architecte) dont l'album éponyme de Wim Mertens (qui remporte d'ailleurs un vif succès sur ce blog puisque c'est une des 5 pages les plus visitées...) avait autant d'importance que les personnages principaux du film...
Alors certes, Greenaway se surpasse sur ce coup là, mais je dois avouer que je ne suis pas certaine de tenir 3x2h à cette cadence... certains passages relèvent sans conteste du génie pur et sont un vrai bonheur pour l'esprit... d'autres en revanche sont très difficiles à suivre, et surtout à ingérer... un petit plat de gourmet en somme aux arrières gouts parfois de rachipouille (mélange de multiples ingrédients sans aucun rapport) indigeste... comme si greenaway avait voulu mettre dans l'assiète une choucroute bolognaise dans un paté impérial pour que le spectateur goute le plus de choses possible... l'idée est véritablement intéressante... sa réalisation plus chaotique... il faudra peut-être envisager une autre forme de traitement et surtout être un peu moins gourmand...
Pour finir, je me suis demandée pourquoi ce réalisateur déjà bien installé sur la scène cinématrographique, un auteur qui se permet le luxe de refuser les appels du pied d'Hollywood pouvait avoir un tel désir de balancer de l'nformation à aussi haute dose... je pense que derrière son éspoir d'apprendre un maximum aux autres, il y a le filigrane de sa propre crainte de ne pas en savoir assez...
En tous cas je reste admirative devant tant de talent et de volonté... Deux petites citations que j'ai retenues et qui font que je l'apprecie autant...
"Tout artiste qui se respecte doit être provocateur, c'est obligatoire"
"Hollywood ne m'apporterait rien, j'ai tout ici dans cette salle !"
Je n'ai malheureusement pas réussi à trouver son court métrage European Showerbath, alors si vous avez l'occasion de le croiser, sautez dessus !!
Extrait du film


* Pour ceux que ça interpelle quelque part, Alfred Jarry illustre très bien cette science dans "Gestes et Opinions du Dr Faustroll". Boris Vian s'est lui aussi essayé à cette science, et, la manifestation la plus représentative du mouvement est selon moi le fameux calcul de "la surface de Dieu"... mais ça, Schangels saurait bien mieux en parler que moi... y a pas photo !!


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