jeudi 15 mars 2007

Hommage à... Lucie Aubrac




"Elle n'avait pas 3 millions d'années... mais c'est par milliards que nos homages, remerciements et notre respect doivent s'unir pour l'encenser..."

Tout mon respect, ma gratitude, ma tendresse et surtout mon humilité la plus profonde Madame Aubrac, pour ce que vous avez été, êtes et resterez au-delà du temps… très égoïstement je poursuivrai ma quête d’êtres exceptionnels à votre image pour la source intarissable de force vive que répand ce graal sur les glèbes désolées de nos pensées, tant elle est indicible… Merci Madame, de nous montrer le chemin de la Liberté, pauvres brebis égarées que nous sommes, alertes à se laisser engloutir par les tsunamis de folie dévorante qui habite certains de nos bergers… merci de réhabiliter la Femme… merci de confirmer l’Homme… merci de montrer l’Humain, l’originel, celui qui nait nu de tout travers et qui mène l’humanité entière à petits pas vers sa réalisation…

UneSiPetiteChoz


De son vrai nom Lucie Samuel, née Bernard, née le 29 juin 1912 à Mâcon, décédée le 14 mars 2007 à Issy-les-Moulineaux, fut une résistante à l'occupation allemande et au régime de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale.

Formation et itinéraire avant guerre

Fille de viticulteurs bourguignons, elle réussit de brillantes études et passe avec succès le concours de l'École normale primaire pour entrer dans l'enseignement. Par refus des contraintes et de l'uniforme de l'internat elle décide de « monter » à Paris dès 17 ans pour gagner sa vie comme plongeuse dans un restaurant. C'est à cette période qu'elle noue des contacts avec des militants communistes. Séduite par leurs idées, elle refuse néanmoins de s'engager plus avant et de se laisser embrigader, marquant déjà ainsi son esprit indépendant qui la pousse à refuser de suivre les cours de l'École de Moscou. Ses rencontres au cours des années 1930 avec de jeunes Polonais, Hongrois, Allemands et Roumains fuyant les régimes autoritaires de leur pays la sensibilisent au danger représenté par le fascisme. En 1936, lors d'un voyage à Berlin à l'occasion des Jeux Olympiques, elle prend brutalement conscience de la réalité du régime nazi et de son antisémitisme. En parallèle, elle poursuit des études brillantes d'histoire et géographie à la Sorbonne. Agrégée d'histoire, elle est nommée professeur à Strasbourg. C'est là qu'elle rencontre Raymond Samuel, un jeune ingénieur des Ponts et Chaussées. Ils se marient en 1939. Elle enseigne quelques mois à Vannes, où elle a, entre autres, pour élève Simone Signoret, coincée en Bretagne par la guerre.

La Résistance

Dès la défaite de juin 1940 et l'occupation de la France par l'armée allemande, elle et son mari refusent la défaite et choisissent la voie de la clandestinité et de la Résistance.

En 1941, Lucie fait alors partie du groupe Libération-Sud, qu'elle-même, son mari et Jean Cavaillès ont contribué à créer à Lyon. Elle travaille notamment au journal Libération avec Emmanuel d'Astier de la Vigerie. Ils adoptent alors comme "nom de guerre" celui d'Aubrac, une région française, à l'instar d'autres résistants comme Jean Guéhenno, surnommé Cévennes, ou Jean Bruller mieux connu sous le nom de Vercors.

Raymond Aubrac fait alors partie de l'armée secrète de Charles Delestraint. Il est arrêté par la Milice le 15 juin 1943, puis relâché le jour-même. Le 21 juin, il est à nouveau arrêté, cette fois-ci par la Gestapo, à Caluire, avec Jean Moulin notamment. Il est emprisonné à la prison de Montluc de Lyon. Refusant de laisser son mari aux mains des bourreaux nazis, Lucie Aubrac monte une opération armée pour le libérer. Elle alla voir en personne le chef de la Gestapo à Lyon, Klaus Barbie, et le pria de la laisser voir son mari. Lors de cette visite, elle lui fit parvenir les plans de l'évasion. C'est pendant un transfert que Lucie et ses compagnons attaquèrent le camion allemand dans lequel se trouvaient quatorze résistants dont son mari et Robert Kahn, alias Renaud, chef des MUR de la Loire. Quatre allemands furent tués pendant l'attaque et les résistants parvinrent à s'évader

Après cette évasion, Lucie, Raymond et leurs enfants entrent dans la clandestinité. Ils parviendront à rejoindre Londres en février 1944.

Une vie consacrée à l'humanisme

Une fois la guerre achevée, Lucie Aubrac fut chargée par de Gaulle de la mise en place des Comités départementaux de Libération, et participa à l'Assemblée Consultative du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), tandis que son mari devenait Commissaire de la République et travailla pour la reconstruction.

Refusant d'utiliser sa notoriété et son statut d'héroïne de la Résistance pour faire carrière en politique, elle continua à enseigner et à militer au Maroc puis au cours de la Guerre d'Algérie, toujours en faveur des droits de l'Homme. Elle participa aux instances dirigeantes du Mouvement de la paix.

Femme toujours militante et active jusqu'à la fin, elle s'est toujours placée du côté de la liberté, s'engageant en faveur de multiples causes. À ce titre, elle fut aussi membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence et a récemment, en même temps que son mari Raymond Aubrac, lancé un appel à la libération des prisonniers d'Action Directe.

Elle meurt le 14 mars 2007 à l'âge de 94 ans. Selon son époux, des préparatifs sont en cours pour organiser aux Invalides la cérémonie d'obsèques de la défunte, à une date qui n'est pas encore fixée.

Bibliographie, Filmographie

Livres

Films

  • Dans L'Armée des ombres de Jean-Pierre Melville, sorti en 1969, le personnage de Mathilde joué par Simone Signoret est librement inspiré de la figure de Lucie Aubrac.
  • Boulevard des hirondelles réalisé en 1991 par Josée Yanne, est la première fiction qui évoque l'histoire de Lucie Aubrac, incarnée dans le film par Elizabeth Bourgine.
  • Lucie Aubrac réalisé en 1997 par Claude Berri est inspiré de l'histoire vraie de Lucie Aubrac, racontée dans son ouvrage Ils partiront dans l'ivresse. Le rôle de Lucie Aubrac est tenu par Carole Bouquet.

Interview :

Florence ROCHEFORT et Laurence KLEJMAN

Texte intégral

Lucie Aubrac, co-fondatrice du mouvement Libération, est une de nos héroïnes de la Résistance qu'il n'est plus nécessaire de présenter. Les spectaculaires évasions qu'elle organisa pour arracher son mari, Raymond Aubrac, des mains de Klaus Barbie notamment, font partie de la légende. Elle-même en fit le récit en 1984 dans un ouvrage intitulé Ils partiront dans l'ivresse (Seuil). Une bande dessinée américaine avait déjà, dans les années 1950, immortalisé l'histoire de « Lucie to the Rescue », sans en référer d'ailleurs à la première concernée. Mais de Lucie Aubrac après la guerre, que sait-on ? Nommée membre de l'Assemblée consultative provisoire d'Alger puis chargée de superviser les Comités départementaux de Libération, elle est une des rares résistantes à qui sont confiées de telles responsabilités officielles. Comment a-t-elle tenté de poursuivre son action de résistante après 1945 et pourquoi ne s'est-elle pas lancé dans la carrière politique ? C'est ce que lui ont demandé Laurence Klejman et Florence Rochefort.

Lucie AUBRAC : J'ai été membre de l'Assemblée consultative issue de la Résistance. Je pensais participer au renouveau politique d'un début de vie parlementaire dans la France libérée, mais je ne me suis inscrite dans aucun des partis qui se sont reconstitués ou créés en 1944-45, et donc je n'ai pas été candidate lors des deux élections successives aux Constituantes.

Quand Waldeck Rochet, en octobre 1946, m'a proposé d'être seconde sur la liste qu'il avait constituée en Saône-et-Loire, liste de la Résistance Unie, j'ai accepté. Arrivée en Saône-et-Loire pour la campagne de ce scrutin de liste, Waldeck Rochet a accepté qu'après lui figurent le Secrétaire de la Fédération du PCF, et un bon militant PC. Je me suis retrouvée quatrième et j'ai fait avec eux toute la campagne, en précisant ma spécificité de résistante et mon indépendance. La liste n'a eu que trois élus…

Je me suis engagée ensuite dans un mouvement créé par Yves Farge pour la défense de la Paix. Ce fut la grande campagne contre la bombe atomique dite « Appel de Stockholm ». Je l'ai quitté quand j'ai compris le rôle dirigeant qu'y jouait l'Union Soviétique par l'intermédiaire du PC français. Je ne suis pas du tout anticommuniste. J'ai été moi-même de 1930 à 1937 aux Étudiants communistes, mais je n'aime pas les appareils.

J'ai présidé un temps les « Femmes du MLN » et mes contacts avec Claudine Chomat et l'Union des femmes françaises n'ont pas été heureux. J'avais l'idée de faire un journal de femmes. Comme co-fondatrice du mouvement Libération, j'avais droit à une attribution de papier, à cette époque très sévèrement contingenté. En 1945 ne pouvaient paraître que les journaux qui n'avaient pas collaboré et ceux issus de la Résistance. J'ai appelé ce journal Privilège de femmes et mon premier éditorial commentait, en l'actualisant, le début d'une fameuse citation de Louise Labbé, au XVIe siècle, « Étant le temps venu ». Pour moi, le mot « privilège » signifiait avoir la puissance et la compétence de…, dans le sens du XVIIe siècle. Cela signifiait qu'en 1945, les femmes avaient acquis enfin le doit d'être à part entière dans la vie politique, économique, intellectuelle du pays.

Ce fut pour moi une expérience exaltante. Madeleine Jacob faisait la chronique judiciaire, Gertrude Stein la critique de théâtre, Louis Saillant expliquait la Sécurité sociale et j'avais des couvertures de François, Jean Eiffel, Peynet. Bien entendu, mon journal n'a pas duré longtemps - 13 numéros - : trop intellectuel, peut-être, mais surtout sans appui solide. Il apparut comme un concurrent du journal des femmes de l'UFF et de celui des femmes du MLN. Pour ne pas être en faillite, nous avons, mon mari et moi, payé pendant plusieurs années jusqu'à extinction toutes les dettes que j'avais faites.

C'est alors que j'ai investi mon besoin de militantisme dans le Mouvement de la Paix, puis dans des engagements en faveur des pays qui se battaient pour leur indépendance : l'Indochine d'abord, l'Algérie ensuite.

Je n'ai plus alors fréquenté de mouvement politique. Ce n'était pas commode pour moi : pour toute une frange socialiste, j'étais communiste ; pour les communistes, j'étais anar ou trotskiste. Mais je n'ai jamais rompu avec mes amis de l'un ou l'autre camp. C'est tout de même là qu'on trouve le plus de dévouement sincère sans ambition ou carriérisme.

La politique elle-même : on m'a proposé plusieurs fois de faire partie de cabinets ministériels, Farge le premier. J'ai finalement souhaité reprendre mon métier de professeur d'histoire. Je l'ai d'ailleurs interrompu quelques années pour faire partie d'une commission historique qui étudiait l'évolution de la vie politique en Europe après 1933. C'était intéressant. Nous interrogions les politiques, les diplomates, tout le monde responsable entre 1930 et 1940. Quand la commission est arrivée à l'Ile d'Yeu pour interroger le Maréchal Pétain, le Maréchal a dit : « Pas la femme ». J'ai dû rester dehors. Il faut dire que par un hasard extraordinaire j'avais été tirée au sort comme juré au moment de son procès, et bien entendu récusée.

J'ai bien compris alors que j'avais fait les bons choix dans ma vie de résistante et de militante. J'ai enseigné l'histoire avec passion. J'ai remarquablement réussi ma vie conjugale. Mais il me reste maintenant à accompagner dans leurs revendications toutes les femmes d'ici et d'ailleurs pour qui le « temps » de Louise et de la Libération n'est pas encore tout à fait « venu ».

Source :

Florence ROCHEFORT et Laurence KLEJMAN, « Lucie AUBRAC », Clio, numéro 1/1995, Résistances et Libérations France 1940-1945

http://clio.revues.org/document529.html

2 commentaires:

Unknown a dit…

Trés touché par cet hommage ! Mon grand pére Edgard Maire de Cruzille 71 mort en déportation etait un résistant alors forcémment je suis touché...

Sijavéssu a dit…

Merci Claudio, ça me touche sincèrement...